Âgée de 29 ans, Lorna Fourrage, alias Lorna King, incarne une génération de femmes pour qui le sport est bien plus qu’une passion. Le week-end dernier, elle a réalisé une incroyable performance en venant à bout du Nice Côte d'Azur by UTMB® 2025, un ultra-trail long de 111 kilomètres avec plus de 5 000 mètres de dénivelé positif, le tout en 22 heures et 53 minutes, se classant 43ᵉ femme et 435ᵉ au scratch sur 808 participants. Un véritable exploit ! Quelques jours après sa course, nous sommes allés à sa rencontre.
Bonjour Lorna, tu viens de terminer l'ultra-trail de Nice Côte d'Azur by UTMB®. Dans quel état physique et mental te sens-tu ?
Étonnamment, je me sens bien. Lors de mon tout premier ultra, je ne pouvais plus marcher pendant toute une semaine. Cette fois, dès le lendemain, je remarchais normalement. J’ai quelques courbatures aux chevilles (que j’ai tordues en descente) et un peu aux hanches, mais rien de dramatique. Je suis contente car tout le travail de renforcement musculaire a clairement porté ses fruits. Mentalement, je flotte encore sur mon petit nuage. Il va me falloir au moins une bonne semaine pour redescendre. Pour l’instant, je ne réalise pas ce que j’ai accompli, c’est surtout mon entourage qui me le rappelle.
Tu n’avais jamais couru une aussi longue distance. Comment as-tu décidé de te lancer ?
Le déclic est venu après mon premier marathon. Je me suis dit que si je pouvais franchir la distance mythique sur route, je pouvais aller plus loin. Ensuite, j’ai découvert l’univers de l’ultra-trail grâce à des vidéos, et j’ai commencé par des courses locales en Bretagne, 34 km puis 50 km. La Asics SaintéLyon a été mon premier véritable ultra et j’ai adoré. C’était le début d’une véritable passion. C’est dur, mais c’est aussi incroyablement gratifiant. On reçoit tellement de bienveillance et de confiance en soi que l’envie d’y retourner est immédiate.
Sur un ultra, il y a forcément des moments difficiles. As-tu pensé abandonner ?
Non, je n’ai jamais abandonné une course. Le mot "DNF (abandon)" ne fait pas partie de mon vocabulaire (rires). À Nice, dès le 20ᵉ km, j’ai pris un mur monumental et je me suis trompée de chemin. Mais j’ai tout de suite cherché à contrer les pensées négatives par du positif. Vers le 60ᵉ km, à l’approche de la base de vie de Levens, j’étais vraiment mal : nausées, sueurs froides. Ma mère m’a alors donné le fameux "Ricqlès" conseillé par mon grand-père et je suis repartie de plus belle. Le plus dur a été les cinq derniers kilomètres, interminables, mais mes amis niçois m’ont accompagnée jusqu’à l’arrivée.
Tu étais entourée de ta famille et de tes amis. Quel rôle cela a-t-il joué ?
À l'accoutumée, je fais mes courses seule mais cette fois, ma mère et mes grands-parents étaient présents. Ils m’ont suivi tout au long du parcours. Savoir qu’ils m’attendaient plus loin m'a apporté une dose de motivation supplémentaire.
Comment t’es-tu préparée à cette course en montagne ?
J’ai la chance d’avoir un ami coach qui me structure des préparations en blocs de 8 à 12 semaines. Je cours depuis presque trois ans de façon régulière. Cette année, j’ai connu un petit burn-out, j’ai donc fait une coupure de douze semaines. Ensuite, j’ai repris progressivement, puis j’ai enchaîné trois grosses semaines pour travailler le dénivelé. À côté de la course, je fais beaucoup de musculation et un peu de vélo. Cela m’a permis de retrouver une base solide.
Tu insistes beaucoup sur le renforcement musculaire. Pourquoi ?
Parce que c’est indispensable ! Je fais trois séances de musculation par semaine : une pour le haut du corps, une pour le bas, et une spécifique running pour cibler mes faiblesses, comme les hanches, les chevilles et les genoux. Beaucoup négligent le renforcement, mais pour durer sur un ultra, c'est obligatoire. C’est la clé pour éviter les blessures et tenir la distance.
Tu pratiques également l'Hyrox. Qu’est-ce que cela t’apporte ?
J’ai découvert l'Hyrox un peu par hasard, une semaine après le Marathon de Paris lors de la compétition au Grand Palais. J’ai littéralement adoré ! C’est un sport hybride qui mélange endurance et force. C’est très différent de l’ultra, mais cela permet de diversifier les pratiques sportives.
Tu as déjà participé à l’Ultra Marin en Bretagne (34 km et 56 km). Comment compares-tu cet ultra-trail breton avec un ultra en montagne ?
L’Ultra Marin est une course parfaite pour apprendre à gérer la longue distance. C’est roulant, il faut faire preuve de constance et de régularité, comme sur la route. La montagne, elle, apporte une dimension supplémentaire avec le dénivelé et la technicité. Pour moi, l’Ultra Marin est une course palier avant de se lancer en montagne.
Si tu devais résumer ta course sur Nice By UTMB® en quelques mots ?
Incroyablement difficile mais incroyablement belle ! Les paysages sont spectaculaires et les participants d’une bienveillance rare.
Parle-nous un peu de ton matériel et de ta nutrition sur cet ultra-trail.
Lors de cette course, j’étais équipée des chaussures Asics Trabuco Max 4, du short Fuji Trail, d’un haut technique Salomon, d’un gilet de trail Salomon S/LAB, d’une casquette Compressport, de lunettes Julbo et d’une ceinture Compressport. Côté nutrition, j’ai fait une cure de maltodextrine Overstim.s avant la course. Durant l'effort, j’ai alterné entre les gels énergétiques, beaucoup de barres énergétiques salées, et la fameuse potion magique de mon papi : le Ricqlès !
Tu vis avec le SOPK (syndrome des ovaires polykystiques). Comment gères-tu cela dans ton sport ?
J’ai des cycles longs, peu de règles, mais de forts symptômes prémenstruels. Courir m'aide à me vider la tête et à décompresser. J’ai appris à m’écouter et à respecter la barrière de la douleur.
Aujourd'hui, quel rôle jouent les réseaux sociaux pour toi ?
Ils me motivent à motiver les autres. J’aime les échanges, apprendre des autres et partager mes expériences. Ce n’est pas seulement raconter, c’est aussi recevoir et progresser grâce à la communauté.
Ressens-tu une évolution de la place des femmes dans le trail ?
Oui, complètement. Je croise de plus en plus de femmes sur les courses. Les réseaux sociaux contribuent à donner envie et à inspirer. De plus, les performances des élites féminines (Courtney Dauwalter ou encore Anaïs Quemener) tirent tout le monde vers le haut et prouvent que l’endurance des femmes a pleinement sa place.
Quel message aimerais-tu transmettre aux femmes qui voudraient se mettre au sport ?
Faites du sport et profitez de la vie ! Laissez-vous du temps, progressez étape par étape et soyez patientes. Vouloir tout trop vite conduit aux blessures et au découragement.
Quels sont tes prochains objectifs ?
En cette fin d’année, je participerai à l'Hyrox Paris Porte de Versailles, puis je retournerai sur la SaintéLyon fin novembre. L’an prochain, je vise quatre grands objectifs : deux ultras de plus de 80 km et deux grosses courses sur route. J’ai aussi envie de participer à des projets collectifs.
Merci Lorna pour ton témoignage. Encore un imense bravo pour ton ultra-trail à Nice. Nous suivrons de très près tes prochaines aventures !